Par: Catherine Ouellet
La concurrence est morte, vive la concurrence!
Vive la concurrence? Oui! Parce que la fin de son règne jette les bases de nouveaux modèles plus responsables, axés vers l’humain, la solidarité et la collaboration.
Un exemple concret? Pensez au réseau des fermiers de famille. Nous aborderons leur stratégie comme un symbole fort de la coopétition au Québec.
Qu’est-ce que la coopétition?
La concurrence a longtemps été le nerf de la guerre en affaires. Mon concurrent fait ci, je fais ci mais en mieux. Il fait cela, je riposte à double coup de cela. (Heureusement), ce modèle en est rapidement venu à l’essoufflement. D’une part parce qu’il n’y a pas une stratégie unique à répliquer dans chaque organisation (chaque organisation a une essence et une personnalité à honorer!), et d’autre part parce que la saturation de la concurrence presse le pas à des stratégies de différenciation et de collaboration. Pourquoi s’acharner à compétitionner avec les gens qui poursuivent la même finalité que nous, plutôt que d’emprunter la voie (plus noble, plus responsable et plus en phase avec le contexte actuel) de la collaboration? Dans un monde où c’est pour le bien commun qu’il faut avancer, la vision égoïste et « chacun pour soi » qui caractérisait autrefois les entreprises doit être mise à mal. Elle doit faire place à cette voie qui permet de s’épauler et de s’outiller mutuellement pour parvenir à nos fins ensemble. Pour le bien commun et pour les générations futures.
« Coopétition » est né de la contraction entre coopération et compétition. Il s’agit d’un néologisme qui allie deux forces qui semblent contre-intuitives, mais qui portent un bien plus grand potentiel que l’on pense! La coopétition se manifeste souvent par une alliance entre des entreprises concurrentes qui permet d’innover et d’accélérer le développement de chacune d’elle – parfois même d’une industrie entière. Et le plus beau dans la coopétition? C’est qu’elle profite à tout le monde! Pensez seulement à cette pandémie sans précédent. Si ce n’était pas de l’abaissement des barrières et de la collaboration entre pharmaceutiques et gouvernements, nous ne pourrions peut-être pas nous targuer aujourd’hui de détenir un vaccin. Les chaînes d’approvisionnement ont été mutualisées, les données ont été partagées et les dernières avancées scientifiques ont été communiquées au grand jour pour accélérer les processus de production. Les différends ont laissé place à l’atteinte d’un objectif pour servir le bien commun: assurer la santé de la population mondiale.
Les fondements de la coopétition
Trouvons en notre ennemi·e notre meilleur·e allié·e! Nos concurrent·es (maintenant devenus collaborateur·trices) ont le pouvoir de nous révéler nos propres taches aveugles et nos propres faiblesses, celles que nous ne voyions plus à force de les côtoyer quotidiennement et de manœuvrer avec elles. Coopétitionner, c’est mutualiser des expertises en embrassant les forces distinctives de chacun·e. C’est un amplificateur de voix naturel pour ceux et celles qui partagent la même mission et qui ont envie de la crier sur tous les toits pour que le plus grand nombre s’y rallie. Faire le choix de la coopétition, c’est faire le choix éclairé d’unir sa voix avec d’autres acteurs et actrices du changement. Faire le choix de faire de nos faiblesses des forces pour d’autres, et vice-versa. C’est également une opportunité pour s’analyser de plus près en tant qu’organisation. Comment nous situons-nous dans notre écosystème? Quels sont nos avantages concurrentiels? Quelles sont nos opportunités de collaboration? Quels sont nos freins, nos faiblesses et nos menaces? Comment pouvons-nous nous arrimer à d’autres entreprises?
Concrètement, comment on coopétionne?
D’abord, la coopétition doit s’opérer sur la base de racines communes. Que ce soient les valeurs défendues, l’objectif poursuivi ou la culture d’entreprise entretenue, les organisations coopétitrices doivent être naturellement alignées l’une avec l’autre. Comment faire le premier pas? Simplement aller vers d’autres organisations « concurrentes » pour prendre le temps de discuter honnêtement, humblement. Des gens qui mènent une organisation avec cœur sauront assurément connecter avec d’autres gens de cœur. C’est le moment d’échanger sur votre vision, vos valeurs et vos façons de les mettre en œuvre. S’il y a bien quelqu’un qui sera en mesure de comprendre votre réalité, c’est un de vos pairs qui gravite dans le même univers que vous et qui est confronté aux mêmes réalités. La discussion et la concertation peuvent engendrer de grands débouchés et apporter des réponses à des questions non résolues, devant lesquelles un penseur unique ne suffisait pas. L’important dans une relation de coopétition, c’est que la logique qui la régisse soit de type « gagnant-gagnant ». Une relation égalitaire doit se bâtir sur des bases de respect, de transparence et de bienveillance.
Parlons du réseau des fermiers de famille qui ont longtemps fonctionné sans être regroupés en réseau. À la base, ils étaient tous indépendants à travailler simultanément sur plusieurs fronts: cultiver, distribuer, communiquer, rayonner. Tous ces efforts individuels gagnaient à être mis en commun. Ils se sont donc rassemblés pour développer un outil commun: une plateforme d’inscription et de gestion des paniers bio. Les fermier·ères ne compétionnaient pas à proprement dit entre eux et elles; au contraire, ils avaient tous à gagner de mutualiser leurs efforts de manière à inviter le plus de gens possible à s’abonner à des paniers bios.
La coopétition et la communication responsable
Alors que la communication elle-même est une composante essentielle de la coopétition, comment soumettre la discipline plus largement aux fondements de la coopétition? La communication sociale et climatique est de plus en plus présente. Les communicateur·trices s’accaparent voracement l’attention des citoyen·nes pour les sensibiliser, les conscientiser et les outiller à la cause environnementale. Qu’adviendrait-il si nous unissions nos voix pour déployer un message commun autour duquel tout le monde pourrait se rallier? Ne serait-ce pas plus porteur que des communications hermétiques en vases clos? Surtout quand nous pensons qu’à la base, la communication responsable est une discipline ouverte qui met en commun les gens et les initiatives. Une discipline qui laisse chaque acteur du changement participer à la transition socioécologique, à la hauteur de ses moyens.
Il faut se rendre à l’évidence : les valeurs sociales évoluent. Et les façons de répondre à cette urgence climatique aussi. L’écosystème des entreprises responsables tend à se saturer. Des entreprises environnementalement et socialement actives depuis longtemps ou celles qui ont récemment changé de cap pour faire de la cause environnementale une nouvelle préoccupation. Pourquoi tirer la couverture chacun de son bord si, au final, nous souhaitons tous nous blottir dans une planète où il fait bon vivre? Une planète saine, sécuritaire, harmonieuse, équitable, pérenne et abondante. Plusieurs rament dans cette même direction, mais prennent des embarcations différentes. Unissons plutôt nos forces et nos voix pour que notre message commun trouve des chambres d’écho bien plus grandes.
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